A l’ancienne – Thibaut Detal

25 mai 2021 #à l'ancienne

Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous vous présenter brièvement et retracer votre parcours ?

Je m’appelle Thibaut Detal, j’ai 36 ans et je suis originaire de la région de Beauraing, en Famenne. J’ai débuté le football à l’âge de 6 ans dans un petit club de l’entité de Beauraing.

Si vous deviez résumer le Sporting Charleroi en quelques mots ?

C’est un club historique, familial, chaleureux et ambitieux. C’est un club qui a su apprendre de ses erreurs afin de grandir et de se restructurer durablement. Même si cette année est moins bonne, le Sporting excelle dans l’art de recruter pour créer une équipe compétitive avec un budget modeste.

Durant votre carrière, y a-t-il des joueurs et des entraîneurs qui vous ont marqué (équipiers et adversaires) ?

Il y’en a tellement eu que c’est compliqué de n’en citer que quelques-uns. Je citerais Jacky Mathijssen ,il a été le premier à redorer le blason du Sporting après des années compliquées. Il a su créer un groupe de compétiteurs. Il nous a maintenu motivés et concernés du début à la fin de chaque saison.

Mais naturellement le coach auquel je dois tout, celui qui a eu l’audace de faire confiance au jeune espoir que j’étais dans une période où la situation sportive était compliquée, c’est l’emblématique Dante Brogno.

Les joueurs qui m’ont le plus marqué sont Dante Bonfin costa, Ibrahim Kargbo, Bertrand laquait, Laurent Ciman qui était déjà très talentueux, très jeune, et l’inévitable capitaine Franck Defays qui était le symbole et le baromètre de cette équipe.

Les adversaires les plus redoutables étaient pour moi : Dindane, Jestrovic, Moreira, Zetterberg, Wilhelmsson…

Aviez-vous une idole de jeunesse ?

J’ai toujours été attiré par le football anglais. Mon idole de jeunesse était Steven Gerrard qui incarnait parfaitement le foot anglais engagé et non calculateur. Il y a toujours du spectacle et des surprises avec la culture footballistique anglaise.

Vous souvenez-vous de vos débuts au Sporting ?

Je suis arrivé au Sporting à l’âge de 14 ans sous la direction de Didier Beugnies. Nous avons été champions de Belgique cette année-là.

Après une ou deux années de transition, j’ai été appelé pour jouer en espoirs à 16-17 ans sous les ordres du fidèle Mario Notaro.

Ensuite, j’ai été appelé quelques fois pour des entrainements ou des matchs amicaux en équipe première avec Enzo Scifo et puis Etienne Delangre, avant d’être complètement intégré au noyau sous l’ère Dante Brogno à la saison 2002-2003.

C’était le commencement d’une belle aventure sportive et humaine.

Quel est votre meilleur et votre plus mauvais souvenir ?

Mon meilleur souvenir est mon premier but en D1 lors du match Charleroi – Lokeren le lundi de Pâques 2003. Nous luttions contre la relégation en D2. Au culot, j’égalise à 3-3 d’une frappe lointaine avant que Laurent Macquet ne scelle définitivement le score à 4-3.

Mon pire souvenir est notre élimination lors des qualifications pour le championnat d’Europe avec les Espoirs Belges contre les Ukrainiens. Je fais une passe interceptée en fin de match et nous prenons un but sur le contre. Le coupable a été tout désigné, surtout par la presse du Nord. Je l’ai vécu comme un vrai traumatisme pendant une longue période.

Avez-vous des regrets sur votre carrière ?

Des regrets pas vraiment mais aujourd’hui, avec un regard extérieur et davantage de vécu et de maturité, je me dis parfois que j’aurais pu m’accrocher davantage, persister et avoir plus de confiance en mes possibilités dans les périodes difficiles. Le football est facile quand on est dans une spirale positive mais il peut vite devenir compliqué quand on enchaîne échecs et blessures. La vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain, c’est une perpétuelle remise en question et un éternel recommencement. Quand on est dans le milieu très jeune, on ne mesure pas toujours la chance et le luxe que c’est d’être footballeur professionnel.

Donc je suis fier et reconnaissant surtout vis-à-vis de mes parents d’avoir fait la petite carrière qu’a été la mienne mais un peu nostalgique et déçu de ne pas avoir trouvé les ressources à ce moment-là pour perdurer.

Vous avez arrêté le foot, pour poursuivre vos études. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Effectivement, après le Sporting, j’ai descendu les échelons et j’ai notamment joué quelques années près de chez moi (RUW Ciney). Naturellement le foot n’étant plus une source de rémunération principale et suffisante, j’ai cherché à me réorienter et j’ai donc étudier un Master en Kinésithérapie pour me reconvertir. Ces études devenant trop prenantes et alors âgé de 29 ans, j’ai décidé de tourner la page football pour me focaliser sur la réussite de mes études.

Vous étiez un élément régulier des espoirs belges et proche de participer aux Jeux Olympiques de Pékin….

Oui, dès mon arrivée au Sporting en U14 et jusqu’aux espoirs, j’ai toujours été appelé en sélection nationale, c’était de très belles expériences et souvent de beaux voyages. J’avais le plaisir de partager ces moments en espoir avec Lolo Ciman.

Il faut aussi parler de la Voskes Cup. Si je ne me trompe pas, vous avez été capitaine de cette équipe ?

Effectivement, j’avais l’honneur d’endosser le rôle de capitaine avec les espoirs en Voskes Cup. Je n’étais pas forcément régulier car ma présence dépendait également des échéances de l’équipe A. Je me souviens toutefois que nous avons gagné la finale (3-2 je crois) à Lokeren contre Mouscron et avoir inscrit un doublé de la tête (comme quoi tout est possible en football). Je me souviens aussi que Medhi Bayat avait fait le déplacement pour venir nous supporter et célébrer la victoire.

Vos anciens équipiers, la presse et d’autres vous décrivent comme un joueur humble et intelligent. Étonné de cela ?

Si c’est ce qu’on dit de moi, je suis flatté et mes parents peuvent être fiers de m’avoir inculqué de bonnes valeurs.

Si on mesure son bonheur à la réussite, à la gloire où à l’argent, tôt au tard on risque d’être déçu et malheureux. Je valorise davantage la qualité des relations humaines et je ne me suis jamais placé au-dessus des autres, chacun à ses compétences et les exprime à sa façon.

10 ans au Sporting, plus de 80 matches en équipe première et quelques buts en prime.

Cela reste un beau palmarès….

C’est une petite carrière chez les pros mais ça m’a laissé d’innombrables et inoubliables souvenirs et je mesure la chance que j’ai eu de vivre ça.

Avez-vous gardé des contacts avec d’autres joueurs ou entraîneurs ?

Pas vraiment non, j’ai gardé pendant un certain temps contact avec Laurent Ciman mais actuellement je n’ai plus contact avec aucun ancien coéquipier. J’ai également travaillé comme kiné à la côte d’Azur avec l’ancien médecin du Sporting et des autres entités sportives carolos, le très réputé Carl Willem.

Le Sporting a toujours eu des supporters chaleureux, quels étaient vos rapports avec eux ?

Naturellement tout dépendait de la qualité de mes prestations mais globalement j’avais un très bon rapport avec eux, j’étais toujours là pour discuter ou donner un peu de mon temps et leur rendre ce qu’ils nous apportent. Il faut bien garder à l’esprit que le football sans eux n’a pas la même saveur, cette saison en a été la preuve. Leur rôle dans la survie économique des clubs et le spectacle est fondamental et il est logique de pouvoir être reconnaissant vis-à-vis d’eux.

Comment voyez-vous l’évolution du football, en général, et de Charleroi, en particulier ?

Je regrette parfois que le foot business prenne le dessus sur le foot sportif, j’ai l’impression que ça devient trop spéculatif. Le foot perd un peu son âme car chacun sert forcément ses intérêts. C’est de plus en plus compliqué de voir une même équipe progresser sur plusieurs saisons, les enjeux financiers sont tels qu’on n’a plus le temps de laisser un joueur évoluer, s’adapter et apprendre. Il faut du rendement immédiat et on cherche des transferts rentables. La réalité veut qu’un club de foot est avant tout une entreprise.

Et je trouve justement que Charleroi a su trouver l’équilibre ces dernières années pour d’une part assurer sa survie économique mais également pour faire vibrer ses fidèles au travers de belles performances et d’un classement plus digne de son statut même si cette saison me contredit sportivement.

Que manquait-il au Sporting de votre époque ?

Vu le budget qu’était le nôtre, rien ! Construire une équipe aussi talentueuse avec un budget aussi restreint relevait de l’exploit. Les frères Bayat ont réalisé un travail remarquable. Le Mambourg était régulièrement bien rempli, il y avait une alchimie avec les supporters. La T4 intimidait plus d’une équipe et nous poussait dans nos retranchements. Je pense qu’il y avait encore à ce moment-là une suprématie des « gros » comme Anderlecht, Bruges, Standard et on retrouvait des outsiders comme Genk et Gand toujours présents dans le subtop. Aujourd’hui cette ultra domination des « gros » se fait moins ressentir et laisse davantage d’opportunités aux outsiders.

Suivez-vous l’actualité de Charleroi et si oui, quels joueurs vous plaisent ?

En toute honnêteté, je ne suis pas le Sporting en particulier, je reste simplement informé des résultats. Ce qui est certain c’est que je reste Carolo de cœur et j’éprouve de la joie lorsqu’ils gagnent et de la déception quand ça tourne moins bien comme cette saison. De manière générale, je ne suis plus vraiment le foot de près hormis la ligue des champions et l’Euro ou la coupe du monde.

Il m’arrivait de demander des places à Medhi Bayat pour venir voir un match ou l’autre mais j’étais chaque fois partagé entre le plaisir de voir Charleroi et la déception de ne plus être de la partie.

Un mot sur la saison du Sporting ?

Compliquée et décevante surtout au vu du début tonitruant. Ne suivant pas le club de près, il m’est difficile d’expliquer ces contres performances après une première partie de saison prometteuse mais je fais confiance aux dirigeants et au nouveau coach pour rebondir la saison prochaine.

Quels sont vos hobbys, vos passions ?

Dès ma fin de carrière, j’ai vite ressenti un besoin de rester actif physiquement et je me suis dès lors tourné vers la course à pied. C’est accessible pour tous à tout moment et à tout endroit. Je continue à assouvir mon besoin de compétition au travers de diverses formules de courses organisées (trail, corrida, marathons…)

Au-delà de ça, je prends plaisir à me balader dans les superbes forêts de la région où je vis, c’est un excellent moyen de se ressourcer et de déconnecter du rythme de vie effréné actuel.

Enfin, en bon belge, j’aime savourer de moments simples en famille et entres amis autour d’un bon repas et d’un bon verre.

Aujourd’hui, que devenez-vous ?

Après avoir été kinésithérapeute de 2014 à 2019, j’ai éprouvé le besoin de retrouver un rythme de vie plus calme, respectant davantage la vie privée et familiale. Je me suis laissé déborder par le travail, à parfois ne pas savoir dire non. Les charges physique et émotionnelle n’ont cessé de croître jusqu’au jour où j’ai eu un vrai ras le bol à tel point que la profession m’a dégoûté.

Aujourd’hui je ne ferme plus la porte à la kiné si de belles opportunités devaient se présenter mais je me suis engagé dans une orientation complètement différente. Je suis employé chez Infrabel à Namur comme Safety Controller, c’est-à-dire que je suis amené à prendre des mesures de sécurité pour assurer une circulation ferroviaire la plus « safe » possible. Je suis actuellement en formation pour apprendre ce nouveau métier et ça me plait beaucoup. J’ai trouvé chez Infrabel une structure qui offre un bel équilibre entre vie privée et professionnelle et qui permet d’évoluer selon ses envies et ses capacités.